lundi 10 mai 2010

Les champions absolus (4)

Doublés, triplé et quadruplé le même jour

Nous sommes en 261 avant JC. Voilà fort longtemps que la Grèce n’a plus connu de grands champions dans les épreuves « lourdes » (comprendre « les sports de combat ») :

- le dernier champion iconique (c’est-à-dire à avoir été récompensé d’une statue à son image, « icône », pour trois victoires aux grands Jeux) en lutte fut Chairon de Pellene, victorieux à Olympie en 356, 352, 348 et 344 avant JC, qui se vit par la suite récompensé par Alexandre le Grand lui-même. Il reçut les pleins pouvoirs à Pellene mais il s’y comporta ensuite en tyran.

- Les derniers vainqueurs iconiques en pugilat avec cestes furent les immenses rivaux Euthymos de Locres Epizéphyriennes aux Jeux Olympiques (victorieux en 484, 476 et 472 avant JC) et Théagènes de Thasos aux Jeux Pythiques (victorieux en 482, 478 et 474 avant JC).

- Les derniers vainqueurs iconiques en pancrace furent Astyanax de Milet chez les adultes (vainqueur à Olympie en 324, 320 et 316 avant JC) et l’invaincu Antenor de Milet (triple vainqueur aux Jeux Pythiques en 318, 314 et 310 respectivement chez les « enfants » (15-17 ans), les « imberbes » (18-20 ans) et les « hommes » (21 ans et plus).

C’est alors que survient Kleitomachos de Thèbes, la pancratiaste. Il s’inspire de l’exploit unique réussi 270 ans plus tôt, en 486 avant JC, par Théagènes de Thasos aux Jeux Isthmiques (un des quatre grands Jeux sacrés de la « Période », l’équivalent antique du « grand chelem » étalé sur une olympiade) : remporter les épreuves de pugilat et de pancrace le même jour ! Sauf que cette fois, Kleitomachos veut faire encore mieux. Aux Jeux Pythiques de 216 avant JC, il emporte les trois couronnes le même jour : lutte, pugilat et pancrace ! C’est comme si, de nos jours, un même homme devenait champion continental en lutte gréco-romaine, champion poids lourd de boxe anglaise et champion de l’UFC simultanément !

Cet exploit stimula, aiguillonna, les contemporains de Kleitomachos, à tel point que le lutteur Paianos d’Elis voulut dépasser ce rival en réussissant un doublé (lutte et pugilat cette fois) au cours d’une compétition encore plus prestigieuse que les Jeux Isthmiques : les Jeux Pythiques (l’équivalent d’un championnat du monde moderne). Il réussit en 214 avant JC, tandis que Kleitomachos se contentait le même jour du titre pythique en pancrace.

Le rendez-vous entre les deux hommes était donc pris pour un affrontement au sommet lors de la plus prestigieuse de toutes les compétitions : les Jeux Olympiques de 212 avant JC. Mais, à la surprise générale, c’est un troisième combattant qui les coiffa sur le poteau tous les deux : Kapros d’Elis. Il battit d’abord son compatriote Paianos dans l’épreuve de lutte (alors que celui-ci était pourtant le tenant du titre). Ensuite, à la demande de Kleitomachos, l’ordre classique des épreuves fut inversé : le pancrace en deuxième au lieu du pugilat. Cette requête fut justifiée par le fait que Kleitomachos ne voulait pas être désavantagé, dans son duel en pancrace contre Kapros, à cause des blessures que la compétition de pugilat ne manquerait pas d’occasionner. Les hellanodices (les juges d’Olympie), pourtant Eléens comme Kapros, acceptèrent. Mais Kapros remporta malgré tout l’épreuve du pancrace contre le spécialiste (et tenant du titre) Kleitomachos, qui se consola avec un titre en pugilat.

Grâce à ce doublé olympique le même jour, en lutte et pancrace, Kapros d’Elis reçut le surnom de « Deuxième après Héraklès » et, à compter de ce jour, tous les combattants du monde hellénistique puis romain voulurent l’imiter.

A suivre ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire